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Les communautés en ligne accélèrent l’essor du voyage en solitaire chez les femmes

objectif de rencontres et de découvertes authentiques


Le « backpacking » est une forme de voyage minimaliste, flexible et indépendant, en général au plus proche des populations locales, avec un objectif de rencontres et de découvertes authentiques. Le terme fait référence au sac porté sur le dos qui symbolise ces voyageurs. Cette pratique peut se faire en groupe mais aussi en solitaire.


Rédigé par Magali Trelohan, Joëlle Lagier, Nathalie Montargot le Mardi 6 Juillet 2021

Au cours de leur périple, les backpackeuses augmentent leur confiance en soi et acquièrent plus d’indépendance.
Au cours de leur périple, les backpackeuses augmentent leur confiance en soi et acquièrent plus d’indépendance.
En 2018, L’Organisation mondiale du tourisme définissait ce voyage solo comme une tendance montante. Si la pandémie a frappé, il y a fort à parier que cette pratique reprendra lorsque la situation le permettra.

Selon le site tourdumondiste.com, parmi les backpackers, 37 % font le choix de voyager seul·e·s et, parmi ces personnes voyageant seules, plus d’un tiers sont des femmes. D’après une étude de l’Ifop pour l’opérateur Tourlane, leur nombre a pratiquement doublé entre 2014 et 2017.



Cet essor récent du backpacking féminin, tendance historiquement plutôt masculine et popularisée entre autres au XXe siècle par des ouvrages comme Sur la route de l’écrivain américain Jack Kerouac, nous a intrigués. Dans le cadre de nos recherches, nous avons souhaité ainsi savoir ce qui pouvait pousser de plus en plus de femmes à voyager seules.



Des voyageuses très connectées



Nous avons tout d’abord constaté que les backpackers étaient généralement actifs sur les réseaux sociaux. Nous avons ainsi observé la création de groupes dédiés sur Facebook ou dans des forums avec la présence de communautés de plus en plus larges.



Nous pouvons, par exemple, citer sur Facebook les groupes « Voyager au féminin en sac à dos » (88 000 membres), « We are backpackeuses ! » (139 000 membres) ou « Women who travel » (150 000 membres). En ce qui concerne notre analyse, elle porte sur 2 268 messages échangés entre le 15 septembre 2018 et le 27 octobre 2019 sur le forum de discussion « Voyager au féminin ».



Nous avons d’abord identifié deux axes majeurs de discussion : le premier axe a trait à la recherche d’aide pour la construction du voyage lui-même dans l’espace et dans le temps, ainsi qu’à la maîtrise des aspects budgétaires.

Il s’agit ici plus de conseils pratiques sur le déroulement du voyage et le parcours agencé, ainsi que de recherches d’informations liées au coût financier face à telle ou telle option (d’hébergement ou de déplacement principalement).

Le deuxième axe concerne les messages qui portent sur la quête de liberté et d’autonomie :


« Je pars solo pour le fun. Faire exactement ce qu’on a envie de faire, au moment où on en a envie, comme on en a envie. Rien à négocier avec personne. Et selon les destinations, on ne reste pas seule à longueur de journée. On rencontre, on papote, mais aucune contrainte. »




Cette quête de liberté implique toutefois la question de la sécurité au cours du voyage, qui fait l’objet de nombreuses inquiétudes pour la majorité des futures voyageuses.




« On m’a parlé d’insécurité pour une femme d’entreprendre un voyage comme celui-ci dans des pays où les drogues peuvent être mises dans notre sac et donc de se retrouver si facilement en prison sans espoir de pouvoir en sortir avant de longues années et la ruine de ses proches… on m’a dit que dans ces pays le viol est chose courante, le meurtre également… »




L’analyse de ces derniers résultats nous a donc permis de confirmer le grand bénéfice à cette pratique identifiée par la littérature académique : l’empowerment, c’est-à-dire l’augmentation de leur pouvoir, leur autonomie et leur capacité à agir. Le backpacking apparaît en effet comme un processus au cours duquel les femmes peuvent prendre le contrôle de leurs vies, acquérir des connaissances, utiliser et développer des compétences, augmenter leur confiance en soi et acquérir plus d’indépendance.



« Même pas peur ! »



Plus précisément, nous relevons des éléments se référant à deux formes d’empowerment : l’intellectuel et expérientiel. Ainsi, avant le voyage et pendant le voyage, avec l’aide de la communauté en ligne, les voyageuses acquièrent de nombreuses connaissances, qui leur donnent les ressources nécessaires pour réaliser leur voyage (empowerment intellectuel). En témoigne le message suivant :




« Oui, cela me prend du courage d’aller en Inde du Nord seule alors je préfère avoir toutes les informations pour être prudente. Les commentaires que je lis ici m’encouragent. J’ai vraiment envie de rencontrer l’Inde du Nord et d’être transformée par son chaos et sa beauté :) »




Ensuite, au cours du voyage lui-même, les expériences réalisées leur permettent également de « s’empowerer » : elles adoptent alors de nouveaux comportements adaptés et exercent une forme de contrôle sur les situations, tout en trouvant des solutions face aux difficultés rencontrées. Elles puisent donc dans leurs propres ressources pour avancer. Une backpackeuse raconte par exemple :




« J’avais quand même une trouille bleue, hein, genre j’ai cru faire une crise d’appendicite 2 jours avant le départ juste pour ne pas y aller. Je pensais que j’allais rester enfermée dans ma chambre, que je n’oserais pas sortir de peur de me perdre… et finalement, sur place, bah, même pas peur ! Et pourtant, je me suis perdue plein de fois et j’ai toujours retrouve mon chemin, j’ai vécu un tas d’aventures inoubliables que je n’aurais pas pu vivre si j’avais été accompagnée. Parce qu’on m’aurait empêchée de faire les bêtises que j’ai faites, comme ramasser une mante en pensant que c’était un phasme, grimper une colline pour voir le soleil se coucher et me retrouver coincée en haut dans le noir, les randonnées seule dans des forêts où vivent des ours (ou des serial killers, qui sait ?), etc. Dans les guest houses/auberges de jeunesse (ça aussi, c’était une première, en couple j’allais à l’hôtel), j’ai rencontré des gens de tous les coins du monde, tous super sympas. Et après, forte de cette expérience, j’ai fait des villes/pays que je n’avais pas encore visités. »




Enfin, nous avons mis au jour une troisième forme d’empowerment : l’empowerment identitaire. Cette forme est basée sur une quête et un enrichissement de soi, qui perdura après le voyage. Cette nouvelle forme d’empowerment s’exprime particulièrement au sein des communautés en ligne à travers la narration des voyages et leurs bénéfices, créant un principe de reconnaissance par les pairs de cette nouvelle identité. Cette démarche singulière permet également aux plus expérimentées d’être une source d’inspiration pour les aspirantes au voyage, qui leur en sont reconnaissantes :




« Je te remercie XX pour cette suggestion de recherche qui me mène vers d’autres offres de circuits. Tu sembles être une globe-trotteuse aguerrie ! »




En conclusion, le voyage en solo apparaît comme une démarche d’empowerment pour tous, hommes et femmes, mais présentant quelques spécificités pour le genre féminin, car cela implique de s’affranchir des normes de genre, d’anticiper et de gérer des risques particuliers à la condition féminine. Pour cela, les communautés en ligne apparaissent comme un soutien, où la sororité s’exerce à plein pour que chacune gagne en empowerment lors des différentes étapes du voyage (avant, pendant et après).The Conversation



Magali Trelohan, Enseignante-chercheuse, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA); Joëlle Lagier, Professeur émérite en marketing, Excelia Group – UGEI et Nathalie Montargot, Contributrice de la revue académique Questions de Management et Professeur Associée, Excelia Group – UGEI



Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.



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